LES AÏEULS ET LA FAMILLE

Une famille connue, encore présente dans le secteur Nied-Sarre-Moselle. On retrouve des descendants à Saint-Avold et Bouzonville où l'on peut remonter la généalogie jusqu'au 17e siècle

Bien connu et riche, Nicolas ALTMAYER compte parmi les membres du Conseil des Jurés de l'église dans les années 1750. Son fils Jacques-Nicolas est avocat. La Révolution française de 1789 lui donne l'occasion de montrer ses exigences de puissance. De nos jours encore sa mémoire est évoquée avec regret.

Plus tard, après les effrois de la terreur, il trouve un emploi en qualité de Juge de Paix à Bouzonville où il décède en 1808. Son mariage avec Apollonia BECKER est resté sans descendance.

Pendant la même période, son parent André est deux fois maire Bouzonville et d‘autres membres de la famille s'expatrient. Parmi eux, l’ancien curé de Roden, Jean-Baptiste ALTMAYER qui trouve refuge à TRÊVES.

Au cours du 19° siècle quelques-uns intègrent l’armée. Parmi eux le célèbre général Victor-Joseph ALTMAYER qui se distingue au cours de la guerre de 1870.

Pendant cette même période vit à Bouzonville la famille de l'arpenteur au service de la ville, Victor ALTMAYER et son épouse Clarisse-Jeanne KNOBLOCH. Le 7 décembre 1844 elle met au monde son deuxième enfant,un fils que l’on prénomme André-Victor. Jacques PIGNON, Curé, le baptise le 9 décembre dans la vénérable église abbatiale de la ville. Avec sa soeur, son aînée de 2 ans, il grandit dans la modeste demeure familiale et aucun fait marquant n'émaille sa jeunesse.

JEUNESSE ET APPEL

Les premières années d'études se déroulent à Bouzonville, mais très tôt ses parents le destinent aux études supérieures. C'est ainsi que le jeune André-Victor rejoint le célèbre Collège Saint Clément de Metz qui, depuis 1852, était dirigé par les Jésuites. A la fin de ses études il est tenté par un poste dans l’administration des Eaux et Forêts. Mais Dieu lui réserve une autre destinée. Les circonstances de l’époque donnent au jeune homme de 18 ans, encore indécis, de suivre une autre direction.

C’est le siècle au cours duquel l’Église de France s’éveille peu à peu des affres de la Révolution. La vie religieuse connaît un nouvel essor. Dom GUERANGER, à Solesmes, fait revivre l’ordre des Bénédictins et son influence s’étend jusqu’en Allemagne. Pendant la même période, Henri LACORDAIRE renouvelle l’ordre des Dominicains. Au cours de l’hiver 1857-1858 celui-ci tient une série de conférences à la cathédrale de Metz. Il fait grande impression sur les jeunes de l’époque. L’ordre connaît un nouvel essor qui sait attirer le jeune André-Victor. A compter de cet instant son destin est tracé.
ENTRÉE CHEZ LES DOMINICAINS

Sa décision prise, il avertit sa famille et, au cours de l’automne 1862, il intègre la communauté des dominicains de SAINT MAXIMIN. (Var) Trois ans plus tard il est à FLAVIGNY-SUR-OZERAIN (Côte d’Or) où le 12 décembre 1862 il endosse l’habit blanc de l’ordre. C’est également là qu’il termine ses études de philosophie et de théologie avec le titre de "lector sacrae theologiae" Le 18 septembre 1869 il est ordonné prêtre par Mgr RIVET, évêque de Dijon. Peu de temps après il intègre le nouveau monastère de LILLE. Son activité principale est la proclamation de la Bonne Nouvelle, aussi bien dans la chapelle du monastère qu’à l’extérieur. Mais cette activité est de courte durée car au cours de l’été 1870 éclate la guerre franco-allemande.

LES AVATARS DE SA VIE

C'est ainsi qu’il appelle les évènements vécus au cours de cette période. Le Père ALTMAYER est pour quelques jours à Bouzonville et doit prêcher la bonne parole dans la paroisse proche de Merten. Mais, le 5 août 1870, des cavaliers allemands pénètrent dans le village et occupent le presbytère. En toute hâte, il réussit à leur échapper. Le retour vers Lille n'est plus possible et il n'arrive pas plus loin que Nancy. L'évêque de l'époque, Mgr Joseph FOULON, le retient à Nancy et lui confie la mission de s'occuper des prisonniers français et des blessés allemands. Sa bonne connaissance de la langue allemande lui facilite sa mission et lui permet d'aider de nombreux malheureux à s'échapper. Peu de temps après il regagne Lille.

Son supérieur, le Prieur BOULANGER, lui assigne la charge d’aumônier du 22° Corps Expéditionnaire d’Afrique du Nord. Il participe à de nombreux combats qu’il surmonte sans être blessé. Le destin l’amène au début de 1871 à Dunkerque et il s’embarque pour Cherbourg où l’annonce de la fin des hostilités lui parvient. Après un temps de repos il regagne sa communauté de Lille. Au bout de deux années de prédication il est nommé professeur à Flavigny. C’est là qu’il connaît l’appel le plus important de sa vie.

MOSSOUL

Pendant la même période séjourneà Flavigny le Père Louis-Marie LION qui pendant 12 années a exercé des missions importantes dans la délégation latine de Mossoul. Au cours de son séjour il reçoit l'annonce de sa nomination, par Rome, au titre de nonce apostolique pour les régions de Mésopotamie, du Kurdistan et du Proche-Orient, avec la direction des diocèses de Bagdad et le titre d’archevêque de Damiette en Egypte. Il demande alors au Père ALTMAYER de l'aider et de l'accompagner à Mossoul en qualité de secrétaire, ce que ce dernier accepte immédiatement.
Mi-mai 1874 ils embarquent à Marseille et gagnent la capitale de l’actuelle Turquie, Constantinople. De là, à cheval et en barque, sous un soleil de plomb, (47° à l’ombre) ils gagnent Mossoul, siège de la légation où ils arrivent deux mois après. (juillet 1874)
- La voie ferrée Berlin - Byzance - Bagdad (BBB) n'est réalisée qu’en 1899 -
Leur première tâche est d'apprendre les deux langues du pays, l'Arabe et le Chaldéen. Plus tard ils apprendront également le Syrien.
La mission des dominicains français en Mésopotamie s'étend sur un vaste territoire. Ils s'occupent essentiellement des écoles, des collèges, des orphelinats, de la congrégation des soeurs, des offices de la communauté latine, des conférences et prêches et assurent les tâches administratives. Pendant 5 années, le Père ALTMAYER fait face à toutes ces tâches mais ses forces l'abandonnent. Il est contraint d'arrêter ses activités et de prendre un long repos dans les montagnes de MAR-YACOUB.

A son retour il accompagne son évêque, Mgr LION, à Bagdad. Celui-ci, évêque depuis 9 ans seulement, meurt subitement le 8 août 1883 à l'âge de 57 ans. C'est ainsi qu’il se retrouve seul à la tête de la légation apostolique. Au printemps 1884 arrive de Rome la nouvelle de sa nomination comme successeur de Mgr LION. Il entreprend son premier voyage vers l'Europe. Par Rome et l'Autriche il gagne Metz où, le 10 août, Mgr DUPONT des LOGES, évêque de Metz, en présence de Mgr François-Louis FLECK, évêque coadjuteur et Mgr Michael-Félix KORUM, évêque de Trêves, le consacre évêque.

C’est avec courage qu’il entame, dans les traces de son prédécesseur, les charges de délégué apostolique pour la Mésopotamie, le Kurdistan et la Basse-Arménie, d’administrateur de l’archevêché de Bagdad et d’archevêque titulaire de Chalcis. (Macédoine et Grèce) Il est le 11e titulaire de cet évêché fondé en 1638. Tous n’étaient pas dominicains.

BAGDAD

Avec ses nouvelles attributions s'accroît la charge. Peu de temps après le pape LÉON XIII le nomme évêque de Bagdad en remplacement de Mgr Laurent TRIOCHE décédé le 27 novembre 1887. À compter de maintenant Mgr ALTMAYER est effectivement archevêque de Bagdad. L'année suivante, le Saint Père lui confère le "PALLIUM" ( voir note 1 ) comme insigne de son titre de Métropolite. C’est le 12 avril 1888 qu’il reçoit, en l'église des Carmes à Paris, des mains du Cardinal-Archevêque Mgr RICHARD de LAVERGNE cet ornement ecclésiastique.

Relater en détail toutes les réalisations et tâches de Mgr ALTMAYER nous conduirait trop loin. Aussi, nous ne mentionnerons que les plus importantes.
Écoles et Enseignement
    À Mossoul comme à Bagdad, gestion des écoles élémentaires, des écoles ménagères pour les filles, des écoles techniques pour les garçons. Construction et agrandissement des bâtiments existants; Gestion du personnel; Communautés des soeurs françaises : Soeurs de la Présentation de TOURS, et de Saint Joseph de l'Apparition.
    Fondation d’une congrégation et construction d'un nouveau couvent pour les soeurs.
    Reconstruction à Bagdad des bâtiments de l'évêché. Gestion des difficultés engendrées par les communautés séparées, les fidèles anglicans plus riches et prospères que les fidèles catholiques.
    En 1898 on dénombrait 3.000 enfants scolarisés dans les écoles catholiques de Bagdad et de Mossoul.

  • La séparation des Églises
    1.- L’église chaldéenne ( voir note 2)
    Des chrétiens de l'Arménie du Sud, du Kurdistan, de Mossoul et environs. Ils ont une langue propre et sont souvent pourchassés par les musulmans et massacrés par les Turcs. Elle se compose de deux groupes principaux dont l'église chaldéenne unifiée qui reconnaît le Pape comme chef religieux. Ils se réconcilient avec le Saint-Siège le 8 décembre 1879 suite à l'intercession de Mgr ALTMAYER. Cependant tous n'acceptent pas cette réconciliation. Aujourd'hui c'est l'église Syro-chaldéenne.

    2.-L'église Nestorienne( voir note 3 )
    Ainsi nommée d'après le Patriarche de Constantinople Nestorius (380-440) est en schisme avec Rome. Aujourd’hui elle est présente en Irak, en Syrie, en Iran et en Amérique. Les pourparlers engagés par Mgr ALTMAYER n'ont donné que peu de résultats.

SA PERSONNALITÉ

Lors de son ordination au titre d'évêque, Mgr ALTMAYER prend pour devise :"IN VERITATE SANCTITATIS" (Dans la vraie sainteté) Cette devise très courte est le reflet de la personnalité et des actes de cet avocat de la Foi.

UN HOMME DE SON TEMPS

Il est de grande stature, d'apparence agréable, doté d'une bonne santé, d'une approche sûre et de visage engageant qui facilite la confiance. C'était un pur lorrain, lucide, sérieux et déterminé, dur et rigoureux avec lui-même et ses collaborateurs. Déterminé dans ses rencontres et négociations avec les dirigeants politiques, il est conciliant et plein de respect dans les contacts avec les représentants du gouvernement ottoman et les rencontres dans les différents consulats où il est invité de temps à autre, mais pas trop souvent.

Ce n'est pas une mince affaire de s’affirmer dans un pays où l'on est considéré comme étranger, au milieu d’une population composée essentiellement de musulmans qui n'ont que peu de contact avec les chrétiens.

Sa bonté naturelle lui facilite le contact avec les pauvres et les enfants qui par centaines fréquentent l'école chrétienne. En bref c'est un homme de Coeur et d'Esprit comme l'exige sa position.

UN HOMME RELIGIEUX

La prière, dès son jeune âge est au centre de sa vie et de son engagement. Mais souvent le temps lui manque pour s'adresser au Père comme il le désirerait. Dans un écrit du temps de son séjour à Bagdad il dit :"Je ne peux renier mes habitudes de lorrain  ; le soir après 9 heures je ne suis plus abordable, le matin dès 4 heures je suis dans ma chapelle pour prier, méditer et lire le bréviaire." Ce sont les seuls moments de rencontre, dans la prière, avec Dieu.

Il observe également chaque mois une journée de retraite spirituelle. Communiquer aux autres sa joie de croire en Dieu est une constante dans ses prêches lors des pèlerinages auxquels il est invité. C'est également le cas lors de ses prêches de Carême et de l'Avent. Il attache une importance toute particulière à la récitation du chapelet, à la mise en place de groupes de prière et à la célébration, avec les enfants, du mois de Marie. Ces évènements sont pour lui des points essentiels dans sa vie spirituelle.

UN SERVITEUR FIDÈLE DE SON ÉGLISE

Servir l’Église, sa décision est prise lors de son entrée dans l'ordre des prêcheurs. Elle devient réalité lors de la prononciation de ses voeux à Flavigny. A partir de cet instant il est corps et âme au service de l'Église de Dieu. Ce travail il va l'accomplir jusqu’à l'épuisement de ses forces et au détriment de sa santé. Mais au-delà de cette foi, il voue une dévotion particulière au fondateur de son ordre, Saint Dominique.

Ses rapports avec le Saint-Père Léon XIII sont amicaux. Pendant son long ministère à Bagdad il fait quatre voyage en Europe. A chaque fois il réside quelques jours à Rome où il est reçu en audience privée par le Chef de l'Église qui lui remet des dons pour les pauvres. C'est notamment le cas lors des poursuites contre les Arméniens de son lointain diocèse.
Après son abdication et la mort de Léon XIII (20.07.1903) les relations avec le Vatican se détériorent.

Même pendant sa retraite et malgré sa santé chancelante, sa disponibilité au service de ses frères reste pour lui une tâche agréable.

Cet état d'esprit il le rappelle souvent au soir de sa vie. Dans son testament il remercie le Saint-Siège pour sa compréhension à son égard. Aux papes qu'il a connus, il exprime, avec grand respect, sa gratitude pour les bienfaits qu'ils lui ont prodigués. Mes ses dernières pensées vont à ses frères et soeurs Dominicains.

C'est ainsi qu'aujourd’hui, Henri-Victor ALTMAYER nous apparaît comme un Messager de Dieu, un Missionnaire, un Prêtre, un Évêque. Il fut Apôtre en son temps, un honneur pour sa ville et son ordre, et encore aujourd'hui un exemple de fidélité au service de l'Église de Dieu.
11/2004 - Traduction du texte rédigé en langue allemande
à Hilbringen-Merzig le 15 décembre 1994
par Monsieur l'Abbé Nicolas DICOP


Note 1 - Pallium : ornement ecclésiastique qui consiste en une bande d’étoffe blanche, large de 3 doigts et ornée de plusieurs croix de laine noire, qui se porte autour des épaules, une des extrémités tombant devant la poitrine et l’autre derrière.
Le pape porte le pallium par-dessus ses vêtements pontificaux. Il l'envoie régulièrement aux patriarches et aux archevêques, comme marque de leur dignité et de leur supériorité sur les suffragants mais en outre il l'accorde quelques fois à des évêques comme faveur particulière. Dans tous les cas le pallium est strictement personnel, de manière qu'un prélat ne peut se servir de celui d'un autre prélat. Il doit être inhumé avec le prélat décédé.
De plus il est propre à une église particulière, de sorte qu'un prélat qui serait transféré d'un archevêché à un autre, ne pourrait prendre dans son nouveau diocèse le pallium qu’il aurait obtenu pour l'ancien. Enfin les prélats qui ont reçu le pallium n'ont le droit de le porter que dans les églises de leur ressort et à certaines cérémonies déterminées.
Le souverain pontife seul peut revêtir le pallium tous les jours et dans toutes les églises où il se trouve.

Note 2 - Au séminaire Syro-chaldéen de Mossoul exerçait de 1882 à 1915 le Père Nicolas-Sébastien SCHEIL, natif de Koenigsmacker, d’abord en qualité de professeur de morale et de théologie, ensuite, à partir de 1899,en qualité de dirigeant.
Un de ses élèves le plus connu fut la Cardinal Ignaz-Gabriel TAPPOUNI, Patriarche de l'Église syrienne d'Antioche.

Note 3 - Le 11 novembre 1994, au Vatican, le Pape Jean-Paul II et Mar-Dinkha IV, Patriarche catholique de l'Église orientale assyrienne, (Nestorienne) ont signé une déclaration commune par laquelle ils se reconnaissent unis dans l'unique et même Foi. Une commission devait par la suite être créée pour concevoir une célébration eucharistique commune.





La photo représentant Mgr ALTMAYER était pendant longtemps en possession de Madame Maria MATHIEU-SCHMIDT, propriétaire du château de HILBRINGEN. (Sarre) Grâce aux bons soins de l'abbé Walter SCHMITT, curé de HILBRINGEN et de l'abbé Nicolas DICOP, auteur de la présente bibliographie, cette photo a été remise à la Paroisse de Bouzonville et se trouve actuellement accrochée dans une des salles du Presbytère. Grâce à leur initiative ils ont conservé la mémoire de ce bouzonvillois au destin extraordinaire et évité que son souvenir ne se perde. Un grand Merci à eux.

Conception et réalisation E. SCHMIT - 03/2005
pour la Communauté de paroisses Saint Benoît de Bouzonville.
Avec l'aimable autorisation de Monsieur le Chanoine Nicolas DICOP


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