En ce dimanche 16 octobre, ouverture de la semaine missionnaire mondiale 2016, la messe a été célébrée en mémoire du père Pierre TRITZ.
L’office a été célébré par le père Pierre Tritz, Supérieur général des Fils de la Charité et neveu du célèbre missionnaire des Philippines, assisté de l’abbé Parfait.
Message d’ouverture de la célébration par le père Pierre TRITZ
Bonjour et bienvenue à chacune et chacun de la communauté paroissiale de St Benoît, aux membres de ma famille, aux amis de l’association Lorraine berceau des Tritz, aux amis de l’association Erda Europe, à uns et aux autres venus d’ici et d’ailleurs. Merci à l’abbé Parfait de nous accueillir.
Je suis très heureux de célébrer cette eucharistie ce dimanche ici à Bouzonville. Il y a une semaine je célébrais l’eucharistie à la paroisse Notre Dame du Rosaire dans une favelle de santo André, à côté de Sao Paulo au Brésil et il y a trois semaines à la paroisse St Antoine du port d’Abidjan en Côte d’Ivoire dans un quartier très populaire. Quelque soit la langue, la culture, les continents, c’est toujours le même Jésus Christ, dans son mystère pascal que nous célébrons.
Ce matin, c’est une messe d’action de grâce en souvenir de mon oncle le père Pierre Tritz, jésuite décédé le samedi 10 septembre dernier aux Philippines. C’est ma nièce Elsa qui l’a visité en juillet dernier. Elle vivait un temps d’immersion dans le bidonville de Laura à Quezon City. C’est donc le dernier membre de la famille de sang qui l’a vu vivant. Aujourd’hui son corps repose sur cette terre des Philippines où il est arrivé en octobre 1950, en même temps que sa sœur Catherine qui rejoignait le carmel de Lucena City à 3 heures de route de Manille. Né le 19 septembre 1914, l’oncle Pierre après son noviciat chez les Jésuites a 22 ans lorsqu’il part en Chine (11 jours de train pour rejoindre Tien Tsin). Il sera ordonné prêtre en juin 1947 dans la cathédrale de Shanghai. Durant cette période en Chine, il apprendra le mandarin et vivra la guerre chino-japonaise en accueillant et en s’occupant des réfugiés qui fuyaient les zones de combat. Expulsé en 1948 comme tous les jésuites à l’arrivée de Mao Tsé Tung et du pouvoir communiste, il revient alors faire un cours séjour en France. Il quitte la France en septembre 1950 pour rejoindre une nouvelle mission aux Philippines. Un mois de bateau et c’est sur le bateau qu’il rencontre sa sœur Catherine qui partait elle aussi aux Philippines et sans le savoir. Il est professeur d’université pendant de nombreuses années et rapidement aumônier la nuit dans un grand hôpital d’enfants.
En 1974, suite à la lecture d’un article dans un journal, il prend conscience de la déscolarisation des enfants, marqué par ces phrases de Victor Hugo qu’il citait si souvent : « un enfant qui ne sait ni lire ni écrire est un enfant perdu.» ou « aimer c’est agir.» ou encore « Eduquer un enfant c’est sauver un homme.» Il crée avec Betty Reyes, une philippine, ERDA, cette association qui va aider et prendre en charge les enfants pour leur scolarisation. Suivra aussi la fondation d’un lycée technique. Et jusqu’à la fin de sa vie, il n’arrêtera pas de s’engager entièrement, corps et âme, au service des enfants et de leurs familles, sollicitant des solidarités financières à travers le monde entier. A ce jour, 800 000 enfants ont pu bénéficier de l’aide d’ERDA. Présent ce matin Camille Gulbelmann, président de l’association Erda Centre Europe à Sarreguemines et des membres de l’association qui soutiennent fortement Erda aux Philippines.’ancienne présidente des Philippines Cory Aquino a appelé mon oncle : la Mère Thérésa des Philippines. Le dimanche 25 septembre dernier, le plus grand journal de Manille titrait en première page Father Tritz : he served the last, the last, the lost. Père Tritz servait le dernier, le moindre et le perdu.
Mission accomplie, il a rejoint celles et ceux qui lui étaient chers, ses parents, ses frères et sœurs et ses milliers d’amis de par le monde qui sont dans le cœur de Dieu. Pas de doute qu’aujourd’hui, c’est grande fête au ciel avec nous qui allons célébrer maintenant cette eucharistie.
Son homélie : Evangile de Luc 18, 1 à 8
En bon pédagogue, Jésus nous raconte une histoire pour nous faire réfléchir et nous encourager dans notre vie quotidienne. Cependant cette histoire, cette parabole est bien curieuse. Elle présente deux figures bien opposées : un juge foncièrement antipathique qui ne respecte rien, ni personne et une veuve qui demande justice avec instance. De nos jours, il n’est pas rare de voir un puissant s’appuyer sur des détails du droit pour arracher à des pauvres sans défense le peu qu’ils ont. Une arrogance du pouvoir, souvent accompagnée de corruption, qui habite tant de dirigeants, particulièrement dans les pays pauvres de notre planète et dont l’actualité nous informe régulièrement. Dans mes voyages à travers le monde, c’est une réalité qui saute aux yeux. Que ce soit dans les squatters des Philippines, dans les favelles du Brésil, dans les quartiers périphériques des villes africaines et de nos banlieues, tant d’hommes et de femmes, des jeunes m’entretienne sur ces arrogances. L’opposition qui prive les faibles, les petits, les pauvres de justice et les frustre de leurs droits les plus élémentaires. Pourtant ce juge peu recommandable décide à cause de la ténacité de cette femme à étudier son cas. « Je ne respecte pas Dieu et je me moque des hommes, mais cette femme commence à m’ennuyer : je vais lui rendre justice pour qu’elle ne revienne plus sans cesse me casser la tête. » Ainsi se clôt la parabole. Aussi étrange que cela puisse paraître, Jésus s’appuie sur une telle situation pour nous faire découvrir quelque chose d’essentiel. Le raisonnement de Jésus est simple : si ce juge qui ne fait pas bien son travail est capable de se laisser toucher par les cris répétés de cette veuve, combien plus Dieu se laissera t’il atteindre par cette ténacité. Les mots de Jésus sont donc une bonne nouvelle pour nous aujourd’hui : « et Dieu ne ferai t’il pas justice à ses élus qui crient vers lui jour et nuit ? Les fait-il attendre ? » C’est une invitation qui nous est faite et qui dit la nécessité pour les disciples de Jésus, pour nous ses amis, de prier sans se décourager, sans se lasser. C’est la bonne attitude envers le père, qui est patient avec nous. Vendredi soir, j’étais à Bourges pour le 50ème anniversaire de la paroisse où pendant 9 ans j’ai été le curé. A la fin de la rencontre et d’un repas partagé, Assia, une femme musulmane, une amie est venue me questionner : « Pierrot, pourquoi faut-il prier Dieu ? Tu ne penses pas que Dieu sait bien de quoi nous avons besoin, alors pas besoin de le prier, de l’embêter avec nos problèmes ». Il est vrai que la plupart du temps, nous voudrions avoir immédiatement des réponses à nos prières, à nos demandes, telle réussite à un examen pour un jeune, telle guérison pour un être cher, tel changement de climat dans un e famille. Notre impatience et notre manque de foi nous font vaciller, et plus encore face à la détresse et à la souffrance des personnes ou face à l’actualité douloureuse dans le monde. Alors oui, à quoi cela sert-il de prier ?
Or nous voyons dans les évangiles que Jésus est un homme de prière. De nombreux passages des évangiles nous le montrent soit seul dans un lieu désert soit au cœur de la foule quand il demande la grâce d’une guérison. Et ce sont ses disciples qui lui ont demandé un jour comment il priait. Alors Jésus leur a donné sa prière, le notre Père que nous pouvons dire chaque jour, à tout moment, et que nous dirons ensemble tout à l’heure dans cette eucharistie. Une prière d’action de grâce et de demande. Jésus, homme de prière mais aussi un homme d’action, reste connecté à la source. Aujourd’hui, il nous est possible de prier comme Jésus, avec ses paroles. Une prière qui nous engage, en nous adressant à Dieu Père. Energie ou amour, elle donne sens à nos paroles, à nos attitudes, à nos gestes. « Nos actes sont les paroles que nous adressons à Dieu » dit un père de l’église Grégoire le Grand.
Et je voudrais simplement terminer en citant encore mon oncle, homme de Dieu et homme d’action : « Quand vous travaillez pour un autre d’une manière désintéressée, c’est une prière et c’est même la plus belle qui soit.» Amen.
Avec les enfants qui célèbrent l’ouverture de la semaine missionnaire