Nous voulons un Jubilé pour le salut de la Création – Abbé Camille Paul CARTUCCI

J’avais écrit cette lettre aux chrétiens de st Symphorien en 2000 ; elle a donc 15 ans. Et elle est  plus actuelle que jamais, au point qu’on dirait qu’elle a été copiée sur le message du saint Père.
C’est le contraire qui serait vrai…………

Nous voulons un Jubilé pour le salut de la Création
camille paul cartucci, metz,  mars 2000

« La révolution sociale sera morale ou elle ne sera pas » (aurait dit PEGUY) « Le 21ème siècle sera spirituel ou il ne sera pas » (aurait dit Malraux). « L’Eglise sera catholique ou elle ne sera pas. Le chrétien sera protestant ou il ne sera pas » (aurait dit le pasteur Tommy FALLOT). « Le 3ème millénaire sera féminin ou ne sera pas » (aurait dit la veuve du soldat inconnu). Assez de balivernes et de fariboles ! Le 1er janvier 2001, le XXIème siècle sera ce qu’il sera et ce que nous le ferons. Mais si ce nouveau siècle n’est pas celui du respect et de la protection de la création, alors là, il ira droit dans le mur et il emportera dans son cataclysme l’humanité tout entière.

Au commencement, le Dieu qui est, qui était et qui vient a fait don à l’homme, qu’il a fabriqué à partir d’argile et de souffle, d’une demeure immense et belle qu’Il appela « terre ». C’est cette terre, si fragile dans l’univers des galaxies, qu’Il confia à l’homme pour qu’il en devînt le gérant responsable. Ainsi Dieu, en créant le monde, a fait de l’homme un être à son image pour que l’homme, en transformant le monde, puisse devenir un homme à sa ressemblance. Et faire du monde un milieu de vie harmonieux, somptueux, divin en un mot.

Or l’homme, en refusant de reconnaître dans la création l’image de Celui qui l’avait créé, tout en divinisant les forces et les éléments de la nature (les astres, le soleil, la mer, la foudre, les sources) a joué le rôle de Prométhée, le voleur de feu. Prométhée, on le sait, c’est ce géant, fils de Titan et neveu d’Atlas, qui créa l’homme d’un bloc d’argile mêlé d’eau et qui alla dérober au char du Soleil une étincelle du feu divin pour l’offrir sur terre aux hommes qui s’étaient multipliés en son absence.

Mais en voulant conquérir le ciel comme les Titans et y voler le feu comme les Prométhée, l’homme est sorti de son rôle et de sa vocation : il a perdu tout ensemble le sens du mystère de Dieu et celui du secret de la Création. Ne considérant plus la terre comme un don de Dieu, sa vision prométhéenne lui a fait croire qu’il était devenu le maître absolu de l’univers : l’exploitation à outrance des richesses naturelles est devenue la seule raison d’être de ses entreprises ; le rendement et la productivité ses seules raisons d’agir ; le profit sa seule raison de vivre.

Pourtant la Genèse ne demandait à l’homme qu’une chose : celle d’être l’intendant averti et le jardinier attentionné de la création ; celle de faire de la nature un milieu de vie harmonieux et somptueux, la mère nourricière de tous les vivants, pour répondre aux besoins élémentaires et vitaux de tous les hommes.

Or la terre, livrée aux appétits féroces des lois du marché, a fini par être agressée jusque dans ses entrailles par des prédateurs indécents. Bien commun de toute l’humanité, l’exploitation insensée de ses ressources a fait la fortune insolente de quelques-uns et jeté des millions d’êtres humains dans l’exclusion (la misère, la faim ou la malnutrition, l’analphabétisme, le dénuement, le désespoir) et dévasté tout l’environnement vital (érosion des sols, pollutions agricoles, salification, changements climatiques, fragilisation irréversible des équilibres des écosystèmes, atteintes aux équilibres écologiques, pénurie d’eau, pollution de l’air et des rivières, disparition des espèces, épuisement exponentiel des ressources, modification des climats, réchauffement de l’atmosphère, etc.).

A cause de ces deux fléaux de l’injustice, le XXIe siècle sera, si le prédateur adamique continue sur sa lancée, qu’il appelle « croissance » ou « progrès », celui de la désertification accélérée de la nature et celui de la paupérisation plus massive encore (à cause de l’augmentation de la population mondiale qui sera de 10 milliards en 2050) de millions d’êtres humains en rade sur les bords de route.

Pourtant la contemplation du mystère de l’existence, la magie de la vie, le vertige de l’infini des galaxies devraient donner à tous le sens de l’humilité, du recueillement nécessaire pour écouter le silence des espaces infinis et pour apaiser le chaos turbulent du monde, le sens de la frugalité, de la lutte acharnée contre toute forme de gaspillage, le développement de l’idée de la beauté de la nature, le respect de la vie, de toute vie.

Organisons ensemble le Jubilé qui nous manque, celui, essentiel, d’une Création ré-enchantée, qui nous renverrait par voie directe à Celui qui seul a pu, dans sa munificence, inventer pour nous une telle magnificence et qui est seul à pouvoir susciter notre émerveillement et notre exultation/liesse devant de tels chefs-d’œuvre.

La justice qui réclame le partage équitable des biens et des richesses est simultanément la vertu qui exige le respect de la nature et de sa sauvegarde. Elle est la vertu cardinale d’une humanité qui, assurant à chacun des moyens de vivre, donne en même temps à tous des raisons d’espérer et de faire entendre la jubilation de l’univers nouveau.

Les défis sont inédits : travail colossal et passionnant que celui de gérer les mouvements de la population mondiale et de l’urbanisation ; établir une autorité internationale pour imposer à la mondialisation des règles au marché ;  installer une culture de la paix, à la place de la culture de guerre agressive qui a dominé l’humanité depuis qu’elle existe ; lutter contre les nouvelles endémies ; promouvoir l’internationalisation du droit, de la démocratie et de l’Etat de droit. L’homme sait aujourd’hui manipuler la vie, modifier les codes génétiques, mais il ne sait pas créer la vie. L’homme sait aujourd’hui manipuler les ordinateurs, modifier les codes informatiques, mais il ne sait pas libérer la liberté ou la justice.

Les croyants qui ont l’intelligence de l’invisible devraient être ainsi les premiers à vouloir chanter la gloire de Dieu qui transparaît dans les merveilles de la création.
Béni sois-tu Seigneur de gloire, toi qui es digne d’être loué par dessus tout et à jamais.

Astres du ciel, pluies et rosées, feu et chaleur, givres, glaces et neiges, éclairs et nuées, montagnes et collines, sources et rivières, mers et fleuves, fils des hommes, terre entière, par la voix des serviteurs de la terre, célébrez et chantez la splendeur de la gloire de Dieu. Exulte de joie, dans le Seigneur, jubile la terre aux cris de l’ovation. Alléluia ! Car éternel est son amour pour toi : que tout être vivant chante louange au Seigneur. Acclamez Dieu aux cris de l’ovation. Alléluia !

Paroisse st Symphorien de Longeville – Lettre aux chrétiens, Mars 2000.